Publié le : 01/08/2016 par Hélène WEYDERT

Discrimination

 

 

 

 

 Une salariée se plaint auprès de son employeur d’écarts importants de rémunération par rapport à ses prédécesseurs, ayant occupé le même poste, et estime être victime d’une discrimination du fait qu’elle est une femme et de “race”* noire. 

Elle est licenciée avec préavis un mois plus tard. 

La salariée invoque la nullité de son licenciement, en tant que mesure de représailles illégale (contre une discrimination interdite). 

 

Petit détour par les textes applicables…

1. Discrimination « sexe » (art. L. 241-1 Code du travail)

Toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l’état matrimonial ou familial est interdite. 

Mais ça veut dire quoi ?

Cela signifie traiter différemment (y compris dénigrer -> harcèlement moral discriminatoire) une personne parce qu’elle est un homme/une femme, ou marié/e, ou au contraire célibataire, même indirectement (ex: “les célibataires, eux, ils travaillent”) et cette différence de traitement est interdite.

Le rejet de tels comportements par la personne concernée ou sa soumission à ceux-ci ne peut être utilisé pour fonder une décision affectant cette personne. 

La discrimination c’est quoi ?

Une discrimination signifie : 

Discrimination directe: la situation dans laquelle une personne est traitée de manière moins favorable en raison de son sexe qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, 

ex: à travail égal, octroyer un salaire inégal (payer les femmes moins que les hommes) 

Discrimination indirecte: la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes d’un sexe par rapport à des personnes de l’autre sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et nécessaires

ex: à salaire inégal, exiger un travail égal (exiger de tous les salariés le même rendement – les salariés à temps partiel sont désavantagés par rapport aux salariés à temps plein) 

2. Discrimination “race” (art. L. 251-1 Code du travail)

Le Code du travail vise à protéger d’autres situations susceptibles d’entraîner, parfois, des discriminations prohibées.

L’article L.251-1 du Code du travail énonce les critères et reprend les notions de discrimination directe ou indirecte. En outre, la discrimination peut se doubler d’un harcèlement (discriminatoire) quand celui-ci est fondé sur l’un des critères énumérés ci-après : 

(1) Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la religion ou les convictions, l’handicap, l’âge, l’orientation sexuelle, l’appartenance ou non appartenance, vraie ou supposée, à une race ou ethnie est interdite  

(2) Aux fins du paragraphe (1): 

a)  une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés au paragraphe (1);  

b)  une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle, de l’appartenance ou la non appartenance, vraie ou supposée, à une race ou ethnie donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires 

(3) Sans préjudice des dispositions spécifiques relatives au harcèlement sexuel et au harcèlement moral sur les lieux de travail, le harcèlement est considéré comme une forme de discrimination au sens du paragraphe (1) lorsqu’un comportement indésirable lié à l’un des motifs y visés se manifeste, qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant  

(4) Tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination à l’encontre de personnes pour l’un des motifs visés au paragraphe (1) est considéré comme discrimination. 

 

Concernant l’affaire dont la Cour d’appel de et à Luxembourg était saisie, les juges ont rappelé que la salariée doit établir un lien causal entre sa plainte (auprès de son employeur comme étant victime de discrimination) et son licenciement (une simple présomption ne suffit pas). 

Ce lien causal fait défaut puisque la salariée avait été informée de l’imminence de son licenciement avant sa plainte (lors d’une entrevue). 

La salariée n’a pas non plus prouvé l’existence d’une discrimination, elle n’a pas prouvé: 

– les faits laissant présumer une discrimination, c-à-d. que sa situation était comparable à celle de ses prédécesseurs (les témoignages de ceux-ci démentant les propos de la salariée),

– que la différence de rémunération était fondée sur les critères invoqués (sexe/race),  

La Cour précise que la salariée peut exiger de percevoir le même salaire uniquement à condition que le travail effectué par elle soit de même valeur : c’est donc le contenu du travail qui est examiné (très minutieusement d’ailleurs par les juges) et non le seul titre qui est comparé (parce que ce dernier peut éventuellement être honorifique).   

Comme la salariée n’a pas prouvé avoir été “dans une situation comparable à celle de [ses prédécesseurs] et qu’elle n’a pas rendu plausible que son employeur ait été inspiré par des motifs interdits par les articles L. 241-1 et L. 251-1(1) du code du travail, il n’y a pas, et sans qu’il soit encore nécessaire d’examiner s’il y a eu traitement différent au niveau des salaires, de présomption qu’il y ait eu discrimination prohibée faisant incomber à l’employeur [la preuve contraire]”. 

 

Cour d’appel, Luxembourg, 14 juillet 2016

 

Un projet de loi PL 6892 prévoit un nouvel Article L. 225-6 introduisant une sanction pénale envers l’employeur qui ne respecte pas l’égalité de salaire entre hommes et femmes avec amende de 251 EUR à 25.000 EUR (outre le rétablissement de la rémunération plus élevée suivant RGD du 10/07/1974). 

 

 

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* Il n’y a qu’une race, la race humaine, et sa peau n’est pas de couleur noire. Ce raccourci trompeur et maladroit fait référence à l’interdiction légale de toute discrimination liée à  « l’appartenance réelle ou supposée à une ethnie« .

 



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