Publié le : 12/01/2017 par Hélène WEYDERT

Surveillance des salariés : CEDH

 

Dans une décision du 12 janvier 2016, la Cour européenne des droits de l’Homme s’est prononcée en matière de surveillance des salariés et de droit à la vie privée au travail consacré par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH Barbulescu c. Roumanie 12/01/2016).

A la demande de son employeur, un salarié crée un compte Yahoo, exclusivement pour répondre aux clients. 

L’employeur informe le salarié que ses communications personnelles sur ce compte Yahoo ont été contrôlées et qu’il n’a pas respecté les règles internes, le salarié dément.

Devant la Cour européenne des droits de l’Homme, tandis que l’employeur soutient que le salarié était informé de la surveillance pouvant être exercée par l’employeur, le salarié nie avoir eu connaissance de cette surveillance. Ce point n’est pas éclairci. 

L’employeur licencie le salarié pour violation des règles internes à l’entreprise (exigeant un usage exclusivement professionnel du compte). 

Le salarié invoque la nullité du licenciement pour violation du droit à la vie privée au travail (l’employeur a eu accès aux emails envoyés à son frère et à sa fiancée et les a communiqués comme preuve de l’usage privé de l’outil professionnel, tout en ne tenant pas compte du contenu des messages, sans incidence sur la décision de l’employeur). 

La Cour européenne des droits de l’Homme rappelle le contexte légal: 

  • Convention du Conseil de l’Europe (28/01/1981) pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel. 
  • Directive 95/46/CE (24/10/1995), relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. 
  • Article 8 CEDH – droit à la vie privée au travail. 

La Cour européenne des droits de l’Homme relève que le salarié a limité son action à l’article 8 CEDH et au fait que ses communications privées avaient été surveillées par l’employeur.  

La Cour européenne des droits de l’Homme rappelle que, selon sa jurisprudence, le salarié a le droit de s’attendre raisonnablement au respect de sa vie privée sur le lieu de travail, ce qui inclut les appels téléphoniques, les emails, et internet et ce, au voeu de l’article 8 CEDH. 

Selon la Cour européenne des droits de l’Homme, l’employeur a accédé aux emails en pensant légitimement qu’il n’y aurait que des emails professionnels, étant donné ses règles internes d’exclusivité. 

La Cour européenne des droits de l’Homme constate que l’employeur a surveillé et sanctionné le trafic des messages privés du salarié pendant les heures de travail, mais que le contenu des messages privés n’a pas été pris en compte par l’employeur ou les juges nationaux pour justifier le licenciement. (Le contenu a pourtant été communiqué, y compris devant les juges nationaux !)

L’employeur a raisonnablement agi en voulant uniquement vérifier que le salarié effectuait son travail pendant les heures de travail (et n’a pas vérifié s’il y avait d’autres informations sur l’ordinateur: proportionnalité).  

La Cour européenne des droits de l’Homme en conclut qu’il n’y a pas violation de l’article 8 CEDH – droit à la vie privée au travail.

Ainsi un employeur pourrait-il avoir accès au contenu de messages privés, et les communiquer y compris en justice, du moment que ce contenu n’a pas été pertinent dans la décision de licencier, ce qui paraît pourtant constituer une atteinte disproportionnée de l’employeur à un droit raisonnable du salarié à la vie privée au travail. 

A suivre

Une nouvelle décision dans cette affaire est à intervenir : l’affaire a été entendue en Grande Chambre et a été prise en délibéré le 30/11/2016. 

 

 



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